CAIRN.INFO : Matières à réflexion

§ 1. Les tendances internes au système capitaliste

1En plus des efforts de la société organisée pour corriger quelques-uns des torts du système capitaliste, on observe également certaines évolutions que d’aucuns considèrent comme très prometteuses. La plus remarquable est sans doute celle que M. Henry Ford a mise sur le devant de la scène. Elle doit être considérée avec d’autant plus de sérieux que M. Ford l’a expérimentée dans son propre domaine d’activité. M. Ford affirme que la méthode de production de masse permet au dirigeant d’entreprise efficace de faire quatre choses :

2 (1) Réduire les prix et, par là, donner aux consommateurs l’occasion de faire un usage plus large des produits mis sur le marché ; (2) augmenter les salaires et donc non seulement améliorer le moral du consommateur mais surtout étendre le marché en permettant aux travailleurs d’y avoir accès et de devenir des consommateurs ; (3) réduire la durée de la journée de travail ; (4) augmenter les profits.

3 On peut certes dire que l’industrie automobile offrait un terrain particulièrement favorable à la production de masse et que d’autres facteurs, notamment l’interdiction au niveau national de fabriquer et de vendre des boissons alcoolisées, ont contribué à faire progresser le pouvoir d’achat. Néanmoins, la politique des hauts salaires et des bas prix, si on la compare à la théorie naguère en vogue selon laquelle des prix bas signifiaient nécessairement de bas salaires, constitue une authentique contribution aux principes des affaires.

4 Le professeur Carver s’est intéressé à une autre évolution qu’il a qualifiée de « révolution économique contemporaine aux États-Unis [1][1]T. N. Carver, The Present Economic Revolution in the United… ». Il dit en effet :

5

C’est une révolution que d’abolir la distinction entre travailleurs et capitalistes en faisant des travailleurs leurs propres capitalistes et en obligeant la majorité des capitalistes à devenir des travailleurs d’un type ou d’un autre ; en effet, la plupart d’entre eux ne pourront vivre des seuls revenus du capital. C’est quelque chose de nouveau dans l’histoire du monde.
Au lieu de continuer à lutter contre le capital, les travailleurs commencent à reconnaître son pouvoir et à l’utiliser comme vecteur de l’amélioration de leur condition. Nous disposons de trois types d’indicateurs qui montrent l’ampleur du phénomène : la croissance rapide des dépôts sur les produits d’épargne ; l’investissement des travailleurs dans les actions des grandes entreprises ; la croissance des banques de travailleurs.

6 Il est certain que l’on peut avoir des doutes quant à la capacité des travailleurs à participer de façon significative au contrôle de l’activité économique par le biais des titres et des actions qu’ils détiennent. Ce sont en général les titres participatifs qui sont offerts aux employés : ils ne donnent pas voix au chapitre. Les autres actions peuvent bien sûr être achetées sur le marché, avec le risque qu’elles comportent. À terme, il est possible que les travailleurs en viennent par ce biais à être en mesure d’exercer un contrôle.

7 Une troisième tendance, soulignée par M. Owen D. Young, de la Compagnie générale d’électricité, est celle qui voit la gestion se dissocier de la propriété. Cette dissociation a été poussée très loin dans quelques très grandes entreprises. Lorsque propriété et gestion étaient aux mains d’un même individu, le principe de propriété était soumis à la loi du profit ; s’ensuivaient des politiques qui s’appliquaient sans se soucier d’autre chose que des profits à réaliser. Mais lorsque les actionnaires sont devenus les propriétaires de l’entreprise, et dès qu’un secteur industriel, comme l’électricité, exige des compétences techniques, de la recherche scientifique et la capacité à préserver des relations de travail harmonieuses avec de nombreux employés, la situation requiert une équipe experte et ouverte si l’on veut que les choses se passent bien. Une telle équipe ne peut aisément être contrainte à ne penser qu’en termes de profits. Elle-même est salariée de l’entreprise. Elle s’intéresse souvent plus à la qualité des produits, à la reconnaissance du public qu’à des profits immédiats. Une telle approche de la gestion, selon M. Young, prend en compte non seulement les intérêts du propriétaire, mais aussi le bien-être des travailleurs et la responsabilité envers le public.

8 Une quatrième tendance concerne la formation d’associations qui ont adopté les codes de l’éthique des affaires, ou bien qui insistent sur l’importance du « service » et de sa qualité. Certaines pratiques qui conduisent à miner le respect du public envers l’éthique des affaires ont été condamnées par le biais de ces codes. Il est vrai qu’en général ils ne se sont pas attaqués à des questions fondamentales ; les associations comme le Rotary Club, les Kiwanis, le Lions Club, les Optimistes, ont essuyé bien des moqueries pour leur propension à privilégier les bons repas plutôt que les grandes causes. Pourtant, ils constituent l’indice d’un mécontentement croissant vis-à-vis des conditions actuelles et leur leitmotiv du « service » est certainement de meilleur aloi que le slogan malheureusement trop répandu promettant d’engranger des gains à ne rien faire — formule bien souvent suivie d’effet, même si elle n’est pas exprimée aussi crûment —, qui sous-tend largement les pratiques spéculatives.

9 Beaucoup pensent qu’un changement radical de comportement de la part des grandes entreprises est indispensable. L’argument avancé est que, dans la mesure où les grandes entreprises reçoivent des privilèges importants de la part du public, elles devraient considérer que l’intérêt du public est une priorité. C’est déjà le cas des entreprises de service public. D’autres entreprises devraient adopter la même conception de leur responsabilité. Si elles ne le font pas de leur propre chef, elles devraient être placées sous la tutelle de l’État. On aboutirait ainsi à ce que le professeur Wormser appelle « un capitalisme d’entreprise socialisé [2][2]Frankenstein, Incorporated. ». La grande entreprise est organisée en vue d’un profit : elle est donc un exemple remarquable de ce que ce motif peut induire. Le profit est souvent perçu comme un bénéfice en faveur du promoteur aux dépens d’investisseurs crédules, comme dans le cas d’actions sans valeurs qui sont émises et vendues. Il est interprété comme un gain en faveur des hauts dirigeants, comme lorsqu’une entreprise verse des millions en bonus à des cadres déjà grassement payés sans verser de dividendes aux actionnaires. Ou bien, on le voit comme un profit à l’avantage d’un cercle d’initiés, aux dépens d’investisseurs, comme lorsque le cours des actions cotées en Bourse est manipulé de façon à tromper le public quant à leur valeur et à leur solidité. Ou encore, on pensera qu’il enrichit les actionnaires en période de prospérité si dans le même temps rien n’est fait pour constituer des réserves en prévision de périodes de dépression. Le monde de l’entreprise doit faire le ménage si le capitalisme doit perdurer. « Les capitalistes d’entreprise », dit le professeur Wormser, « s’ils veulent relever le défi que leur lance la grave situation à laquelle ils sont confrontés, doivent se considérer comme des “syndics de copropriété” ».

10 Une telle extension du principe de propriété corrigé par la prise en compte de l’intérêt général serait en accord avec l’esprit du mouvement d’opinion publique et de la loi constitutionnelle qui a jadis mené à la formulation par la Cour suprême de la doctrine issue du cas Munn contre Illinois [3][3]Il s’agit d’une décision de la Cour suprême de 1876 qui…. Il y a peu de chances pour que la Cour suprême juge une telle extension constitutionnelle mais, comme l’a remarqué James Bryce, le peuple américain a fait ployer sa Constitution afin qu’elle ne rompe pas et il peut le faire à nouveau. Et nous avons appris qu’il n’est pas impossible d’amender la Constitution [4][4]À propos de la réforme du monde des affaires, voir Ripley, Main….

§ 2. Les alternatives radicales au capitalisme

11 La Russie et l’Italie sont en train de procéder à une expérimentation de grande ampleur en matière de système économique. Il est trop tôt pour se prononcer sur le résultat, mais nous pouvons néanmoins nous en servir pour illustrer ce qu’il en est des autres régimes que le capitalisme.

12 1. La Russie est en train d’appliquer sur une grande échelle les idées de Karl Marx. Dans le Manifeste du parti communiste qu’il a écrit conjointement avec Engels en 1848, ainsi que dans le gros ouvrage intituléLe Capital, il a posé les bases de ce qu’il a appelé le socialisme scientifique pour bien le distinguer des précédents projets plaidant pour l’avènement d’une société meilleure qu’on appelle des utopies. Ces fondements consistent d’abord en (1) une interprétation matérialiste — mieux encore : économiste — de l’histoire qui tient pour décisives les forces économiques dans la conformation des idées et des institutions en matière de religion, de politique et de culture. Vient ensuite (2) la notion de lutte des classes que Marx présente comme un facteur ayant existé de tout temps, que celle-ci oppose patriciens et plébéiens, seigneurs et vilains, ou bourgeois et prolétaires. Le conflit entre bourgeoisie et prolétariat débouche inéluctablement sur une crise au cœur de la révolution sociale qui se soldera par la dictature du prolétariat entraînant elle-même la disparition de l’État et l’abolition des classes sociales. Enfin, (3) Marx introduit la théorie de la survaleur, selon laquelle les conditions actuelles de la production et du commerce dégagent une importante survaleur qui dépasse de beaucoup le coût du travail et des salaires. Le propriétaire des moyens de production s’approprie la survaleur. Les travailleurs sont donc exploités. La dictature du prolétariat et la socialisation des richesses sont la solution pour y remédier.

13 Plusieurs partis en Europe et aux États-Unis se sont faits les défenseurs des principes socialistes sous une forme ou une autre, mais la Russie est le premier pays à se lancer dans une expérimentation grandeur nature de la « dictature du prolétariat », avec une politique d’égalité des revenus et un contrôle étroit de l’industrie et de l’agriculture de la part de l’État. Il a souvent été remarqué que Marx lui-même n’a pas eu l’occasion d’être le témoin de la révolution sociale qui est intervenue dans un pays agricole comme la Russie. Il avait en tête une société industrialisée qu’il envisageait comme stade intermédiaire entre l’agriculture et la révolution. Les paysans russes sont pour l’instant réticents à l’idée de produire des récoltes pour l’État mais le gouvernement soviétique essaie d’imposer une organisation collective de l’agriculture et il a entrepris de chasser les koulaks, les riches propriétaires terriens. De plus, des concessions ont été accordées à des intérêts privés pour la gestion de grosses industries. Les témoignages contradictoires que nous recueillons rendent toute conclusion impossible quant au succès ou à l’échec de cette vaste expérimentation. La brutalité avec laquelle les opposants ont été traités s’explique probablement en partie par la longue période de répression, par les inégalités et la cruauté qui ont caractérisé le régime tsariste. Il n’en demeure pas moins qu’il est surprenant de constater que d’autres peuples, dans d’autres pays, n’ont pas été séduits par la perspective d’une telle dictature du prolétariat.

14 2. L’Italie est quant à elle engagée dans une expérimentation d’un genre différent. Alors qu’en Russie le pouvoir politique est subordonné au contrôle d’une classe économique, en Italie les intérêts économiques sont subordonnés au pouvoir de la nation. Après s’être rapprochée du socialisme, la révolution fasciste de Mussolini a inversé la tendance et a commencé à étendre son contrôle et son administration sur la vie économique de façon à servir la puissance et le prestige de la nation. Les employés et les travailleurs ont été avertis que les politiques économiques et les efforts du monde du travail étaient totalement subordonnés à l’efficacité des mesures économiques et soumis à la puissance de l’État.

15 On en a appelé aux traditions de la Rome impériale triomphante pour susciter la dévotion du peuple à la cause suprême du bien-être national. Dans cette perspective, toute critique du gouvernement par la presse ou par des individus est sévèrement réprimée. Comme un défenseur bienveillant du système l’a confié à un public américain : « En Amérique, vous pouvez allier liberté et efficacité ; en Italie nous n’en sommes apparemment pas capables et nous devons choisir l’une ou l’autre. » Aujourd’hui, le fascisme semble aussi fermement installé en Italie que le communisme l’est en Russie. Les peuples d’autres pays qui sont les témoins de ces expériences seraient bien inspirés d’en étudier les résultats.

§ 3. Si le capitalisme doit perdurer…

16 La preuve n’est plus à apporter que le laisser-faire comme forme extrême de l’individualisme, avec la concurrence comme unique régulateur du processus économique, n’est plus tolérable dans le contexte actuel. De la même façon que la circulation des villes modernes congestionnées exige l’intervention d’un policier pour réguler le flot des automobiles et protéger les piétons, les exigences du bien commun, les besoins de millions d’individus qui, d’un point de vue économique, sont l’équivalent des piétons de la grande ville requièrent l’intervention d’une autorité dont le but soit la justice et non le profit. Il lui reviendrait d’interpréter la justice non pas simplement comme la nécessité de maintenir l’ordre en arbitrant les luttes entre concurrents, mais en vue de réviser les règles de la concurrence dans l’intérêt du bien commun lorsque c’est nécessaire pour tenir compte de l’évolution du contexte industriel.

17 Le choix est donc entre d’une part un capitalisme modifié, dans lequel le principe démocratique tel qu’il s’incarne dans notre système politique et éducatif sera de plus en plus reconnu, dans lequel la liberté, l’efficacité et la justice seront dans la mesure du possible combinées, et d’autre part des politiques d’un caractère plus radical comme dans le cas de l’expérience russe ou italienne.

18 Par ailleurs, le choix qui se pose à nous est entre le principe démocratique d’égalité qui est de plus en plus reconnu dans le monde contemporain dans les domaines politique, religieux, et éducatif, et le principe d’inégalité qui a jadis prévalu dans les trois domaines mentionnés et qui perdure aujourd’hui parce que tenu pour essentiel à l’efficacité dans le domaine économique.

19 La raison la plus profonde pour laquelle on se méfie en Europe occidentale comme aux États-Unis des solutions russe ou italienne tient sans doute à notre refus d’être soumis au contrôle absolu d’un maître unique. En Russie, ce maître est une classe économique ; en Italie, c’est un groupe nationaliste. Tous deux prétendent agir dans l’intérêt général, mais il n’en demeure pas moins que dans les deux cas un maître unique exerce un contrôle absolu. Dans un système comme celui de l’Europe de l’Ouest ou des États-Unis, les maîtres de l’économie et ceux de la politique forment deux groupes distincts qui sont sélectionnés selon des logiques différentes. Les leaders économiques émergent principalement de la compétition propre au marché. Celle-ci sélectionne des hommes dotés d’un certain type de compétences et leur donne toute latitude pour appliquer leurs compétences à l’organisation dont dépend l’efficacité du monde des affaires et de l’industrie. En politique, les leaders sont sélectionnés par des élections au vu de leur capacité à s’attirer la sympathie du public. Ils représentent un aspect bien différent de la société et incarnent des intérêts radicalement distincts de ceux représentés par les leaders de l’économie. Peut-être les intérêts du public sont-ils plus sûrement garantis lorsque le contrôle est ainsi réparti entre deux sources que lorsqu’il est concentré dans une seule.

20 Il y a fort à parier que dans un avenir immédiat le capitalisme va perdurer sous une forme modifiée. Les propriétaires actuels d’une grande partie de la richesse nationale en Europe occidentale et en Amérique ont un pouvoir et une influence proportionnés à leur richesse et non à leur nombre. Le groupe des agriculteurs, bien que le moins prospère aux États-Unis du point de vue du revenu — le revenu par habitant pour les professions agricoles était de 265 dollars en 1926 d’après les estimations du professeur Copeland, contre 750 dollars pour l’ensemble de la population —, a néanmoins fortement investi dans la terre ; il est donc favorable à la propriété privée qui constitue un des piliers du système actuel. Les ouvriers de l’industrie constituent la classe dont on peut supposer qu’elle est la plus ouverte au changement. Dans les pays européens, cette classe a été largement favorable au courant socialiste, même si elle est dans l’ensemble fidèle à une approche constitutionnelle et légale du changement en matière de contrôle étatique de préférence au recours à une révolution sociale violente. Aux États-Unis cependant, la Fédération américaine du travail a toujours été fermement opposée au socialisme.

21 Les travailleurs de l’industrie ont dans leur ensemble eu le sentiment qu’il est de bonne politique de laisser les propriétaires et les employeurs libres d’améliorer les méthodes de production, de distribution et de commercialisation. Ils ont considéré plus sage et plus prudent de concentrer leurs efforts sur l’obtention d’une part aussi large que possible des bénéfices grandissants d’une industrie efficace. En d’autres termes, il est peut-être préférable de laisser le capitaliste gagner de l’argent et d’avoir comme perspective de toucher une part plus importante des revenus que de prendre le risque de tout compromettre au cas où les travailleurs ou l’État se mêleraient de remplacer le capitaliste dans la propriété et le contrôle de tout le dispositif financier, productif et commercial.

22 Une autre raison, et peut-être la principale raison, pour laquelle le socialisme économique n’a guère eu d’écho aux États-Unis est la volonté d’instituer une éducation publique de masse d’esprit libéral. Son objectif, tel qu’il a été formulé par le regretté président Angell de l’université du Michigan, est que chaque enfant voie à sa porte un chemin qui le mènera à l’université d’État. Cette ambition a été largement mise en œuvre et tout particulièrement dans les jeunes États. Et en dépit des craintes exprimées par certains, à savoir que trop de jeunes demandent à bénéficier d’une éducation supérieure, on ne peut imaginer que le système public ferme ses portes à la jeunesse.

23 Puisque le système actuel a toutes les chances de perdurer, il est d’autant plus important de voir comment quelques-uns de ses défauts les plus criants pourraient être corrigés, au moins en partie, notamment le gaspillage et les injustices. Nous avons déjà noté six points à propos desquels la société organisée a interféré avec le programme d’un individualisme extrême fondé sur la propriété privée, la libre entreprise, la liberté de contracter et la concurrence sans limites. Quelques-unes de ces mesures — en particulier les lois sur l’industrie, la stabilisation de la finance et, jusqu’à un certain point, celles sur l’encadrement du prix de l’accès aux équipements publics et sur l’impôt sur le revenu — témoignent d’un progrès significatif. D’autres, comme le Sherman Act[5][5]Il s’agit d’une loi anti-trusts de 1890 dont l’objectif était…, ont été moins probantes. Il est par ailleurs évident que si pour atteindre certaines finalités nous pouvons légitimement nous appuyer sur la loi et l’administration publique, il est d’autres finalités qui ne peuvent être atteintes que par l’éducation et un changement d’attitude du côté des producteurs comme du côté des consommateurs. Le problème comporte plusieurs rubriques : (1) la nécessité d’augmenter la production et de diminuer le gaspillage ; (2) les questions de sécurité ; (3) la protection des travailleurs et en particulier des femmes et des enfants contre les machines et les dispositifs dangereux, contre les journées de travail d’une longueur excessive, la fatigue, les conditions insalubres ; (4) l’amélioration de l’information et l’éducation du goût du consommateur, l’élévation du niveau culturel des loisirs afin de les distinguer des divertissements à vocation purement commerciale ; (5) rendre plus juste la distribution des gains considérables sécrétés par les processus économiques — plus juste, c’est-à-dire plus soucieuse du service rendu à la communauté et des exigences d’une société fonctionnelle.

§ 4. Des améliorations nécessaires

24 1. Augmenter la production et lutter contre le gaspillage. L’augmentation de la production est en grande partie un problème d’ingénierie. Des avancées importantes ont été faites dans ce domaine. L’énergie disponible issue de nouvelles sources d’approvisionnement — la vapeur, l’électricité, l’énergie hydraulique — utilisée de manière plus efficace et en quantité toujours plus abondante, une organisation en amélioration constante et dans bien des cas une meilleure coopération entre la direction et les employés sont autant de facteurs qui ont contribué à une plus grande efficacité. Le motif du profit fait bien sûr partie de cette dynamique. Il ne s’agit pas d’une question de pure ingénierie dans le sens où on l’entend habituellement dans la mesure où la volonté des travailleurs de coopérer à un processus d’augmentation de la production dépend pour une bonne part des perspectives qui leur sont offertes de profiter des bénéfices rendus possibles par leur coopération. Si l’on donne à ingénierie un sens très large, il englobe de fait le facteur humain, ce qui doit faire réfléchir à la question de la justice en matière de redistribution des richesses.

25 La prévention du gaspillage peut elle aussi être considérée comme un problème d’ingénierie, ne serait-ce que par la dimension purement technique du problème. Des économies substantielles ont été réalisées dans l’éclairage électrique, dans la production d’énergie à partir de la vapeur, dans les moyens de transport [6][6]Un exemple de ce phénomène, certes limité mais tout à fait…. Ces économies ont permis une réduction des coûts et une diminution du gaspillage du charbon ; dans bien des cas, elles ont également permis une diminution des coûts pour le consommateur et une extension du marché. Mais l’ingénieur n’a pas toujours carte blanche dans un régime capitaliste. C’est la question du profit qui décidera s’il vaut mieux faire des économies ou gaspiller et non l’ingénieur. Dans le cas de la gestion des forêts et du reboisement des zones déforestées, gaspiller a paru plus rentable que préserver ou replanter. Les pays européens ont réussi à garder les forêts et leur gestion sous le contrôle de la puissance publique qui en reste propriétaire. Le gouvernement fédéral américain a encore une étendue considérable de forêts nationales sous sa responsabilité et quelques expériences de gestion locale ont été tentées au niveau des États ou des municipalités. Même au Massachusetts, où les tribunaux ont été très conservateurs en matière de protection des intérêts privés contre l’empiétement des collectivités, les villes sont autorisées à être propriétaires des forêts. S’agissant de l’exploitation du pétrole, un récent mouvement très prometteur de propriétaires s’est formé afin de coopérer pour réduire le gaspillage. En revanche, le gaz naturel a fait l’objet d’un gaspillage aussi considérable qu’irresponsable.

26 2. Un autre domaine dans lequel l’ingénieur a été jusqu’à présent incapable de prévenir tout gaspillage est celui du chômage. Dans ce cas, son incapacité n’est pas directement due au motif du profit dans la mesure où les mécanismes des phases récurrentes de dépression dans l’industrie et la finance sont encore mal connus. Le contrôle des banques par l’État a bien réduit les mouvements de panique financière que la gestion privée a été incapable de juguler, mais les cycles économiques ne sont toujours pas maîtrisés. Quelques individus puissants et bien informés peuvent tout à fait profiter des occasions qui leur sont données de racheter à bas prix les titres qu’ils avaient vendus au prix fort en période de prospérité à un public plein de confiance. Ces individus ne peuvent pour autant être tenus pour responsables des phases de dépression. Ceux qui perdent leur emploi sans avoir pu se constituer une épargne en prévision des jours de vaches maigres sont ceux qui paient le plus lourd tribut aux crises. Le modèle américain prévoit de les abandonner à leur sort et de laisser les familles dans le besoin avec la charité comme seul recours. L’Europe a mis au point un dispositif d’assurance chômage et de couverture sociale en cas d’accident ou de maladie ainsi qu’un système de retraite. M. Rubinow écrit à ce sujet :

27

Chaque période de chômage aux États-Unis se traduit par une recrudescence de la mendicité et de la criminalité, une augmentation des demandes adressées aux organisations philanthropiques privées ou publiques, une détérioration de la santé publique, une démoralisation généralisée, soit un ensemble de conséquences sociales qui sont assurément d’une gravité bien plus considérable que la démoralisation supposée découler de l’institution d’un système d’assurance chômage à l’anglaise [7][7]A New Economic Order, Kirby Page (éd.), p. 168..

28 Des mesures en faveur des retraités ont été adoptées par les parlements de dix-sept États. Par ailleurs, le fait que les travailleurs américains ont été en mesure d’être plus prévoyants que leurs collègues européens a retardé l’adoption de mesures de nature à en finir avec l’injustice et avec le drame du chômage qui frappe les plus fragiles. Tant que les scientifiques et les ingénieurs n’auront pas trouvé le moyen de prévenir le chômage et le gaspillage qu’il entraîne, un système d’assurance sociale ou un dispositif ambitieux de grands travaux entrepris sous la houlette de l’État constituent les seuls remèdes viables. Il est absurde de s’opposer à un plan national destiné à soulager les souffrances sociales et à corriger les injustices au motif que l’Europe s’y est déjà essayée. L’argument selon lequel une assurance sociale est « paternaliste » ou « socialisante », voire « allemande », est facile mais il est absurde.

29 3. Le principe selon lequel la vie et la santé ne devraient pas être sacrifiées sur l’autel du profit est rarement battu en brèche. Beaucoup a été fait tant à la suite d’initiatives privées que par la puissance publique pour protéger les travailleurs et en particulier les femmes et les enfants. Au lendemain de la Grande Guerre, certains États ont entrepris de prendre en charge la rééducation des travailleurs handicapés à la suite d’un accident du travail, suivant ainsi l’exemple du programme national de prise en charge des blessés de guerre. Les réactions généralement hostiles aux initiatives libérales et humanitaires du gouvernement qui se sont manifestées ici et là ont apparemment renvoyé à plus tard toute perspective sérieuse d’établissement d’une protection des enfants contre un emploi précoce. On peut néanmoins douter de l’efficacité de l’action des États [8][8]Tufts souligne que seule une réglementation fédérale,…. En attendant, les résidents des États où une telle protection est incomplète ou n’existe pas du tout peuvent se mobiliser pour améliorer la législation locale. Le mouvement pour l’amélioration du droit du travail est né il y a à peine plus d’une génération aux États-Unis et il est trop tôt pour perdre tout espoir de voir de nouveaux progrès être réalisés. Une forme ou une autre d’assurance maladie est probablement tout aussi nécessaire pour fournir aux plus démunis une aide médicale et des soins hospitaliers.

30 4. Éduquer le goût des consommateurs et améliorer la qualité des produits. Si les problèmes de la rubrique (1) concernaient principalement l’ingénieur et ceux de la rubrique (2) relevaient prioritairement du gouvernement, l’amélioration du jugement des consommateurs et des normes de qualité est avant tout un problème d’éducation.

31 Le motif du profit n’est pas un levier pertinent ici. Il a bien fonctionné dans le cas de l’automobile car les voitures sont aujourd’hui devenues plus belles et plus commodes. Cependant, dans le cas du logement, il n’a eu aucun effet sur l’amélioration de l’habitat. Certes, les logements modernes sont mieux équipés en plomberie, en électricité, en chauffage que ceux d’il y a une génération. Mais la congestion des villes, les alentours sordides des habitations des travailleurs à revenus moyens à proximité des usines ou du chemin de fer, la pratique quasi universelle consistant par souci du profit à saturer l’espace des villes avec des bâtiments collés les uns aux autres, sans le moindre terrain de jeu pour les enfants et sans parcs où se détendre pour les adultes — à l’exception des cas où les municipalités ont pris des initiatives pour mettre de tels espaces à la disposition du public — sont autant d’illustration des ravages causés par la passion du lucre.

32 De la même façon que les ingénieurs doivent composer avec le paramètre du profit, les architectes sont bridés dans leurs projets généreux par les loyers et les marges bénéficiaires. Les tribunaux n’autorisent pas le gouvernement à fournir des logements plus salubres, et par conséquent la solution en dernier recours semble bien être d’éduquer le consommateur pour qu’il parvienne à exiger un type différent de logement. La sphère d’intervention du gouvernement est limitée à la prévention des abus les plus criants en matière de salubrité et de bon goût, et à la mise à disposition du public d’espaces non construits pour y implanter des parcs et des terrains de jeu. Pour cela il s’appuie sur des lois sur le logement et l’occupation des sols. Les régions les plus jeunes ont été en mesure de réserver davantage d’espace pour les jeux d’enfants que les régions plus anciennes qui ont estimé que les pouvoirs publics n’avaient pas à s’en préoccuper. Le motif du profit n’entre pas pour rien dans la dégradation de la qualité des denrées alimentaires. Dans ce domaine la loi a enrayé quelques-unes des pires pratiques mais elle ne peut à elle seule empêcher la fraude et les abus dont les consommateurs sont victimes.

33 L’éducation, alliée à une extension de l’application de critères scientifiques pour définir la qualité, est indispensable. Mais surtout, c’est vers l’éducation que nous devons nous tourner pour améliorer le niveau des arts, de la littérature, des loisirs. La loi peut certes interdire certaines pratiques lorsque les loisirs, la littérature et l’art se compromettent avec l’esprit de commerce au point de choquer la morale. Mais la loi ne peut rien contre le mauvais goût. Contrairement à ce que l’on observe dans le secteur de l’automobile, plus les produits sont mauvais, plus la marge bénéficiaire est importante. Le cinéma, le jazz, les bandes dessinées, entre autres formes de divertissement populaire, n’inspirent pas un grand respect à quiconque aura appris à apprécier l’art de qualité, la bonne musique et la grande littérature. Pour une civilisation dans laquelle l’individu moyen passe ses journées à l’usine et ses soirées au cinéma, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

34 5. Une juste distribution. Comme nous l’avons déjà remarqué, la question de la justice en matière de répartition des richesses peut être abordée de différentes façons. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer en quoi consiste la contribution spécifique de chacune des approches possibles. Il est tout aussi dérisoire de tenter d’établir ce que chacun mérite de recevoir de l’immense trésor de connaissance dont nous avons hérité, du génie de l’inventeur et de l’innovateur, du travail patient du scientifique, de l’ordre et de la stabilité des normes sociales si nécessaires à une production sereine, du bon goût, de la sensibilité à la couleur, à la forme, au son, bref, de tout ce qui constitue le legs qui nous vient de notre passé. La seule approche raisonnable semble bien être celle de Platon quand il se demande ce qui est nécessaire à une société bonne. Un argument plaide en faveur de l’inégalité des richesses : davantage de capital est disponible pour les affaires si les richesses sont distribuées comme elles le sont à présent. Il faut admettre que tel a été le plus souvent le cas. Une illustration : si nous répartissons à parts égales 1 000 dollars entre cent hommes, il est probable que les 10 dollars reçus par chacun seront dépensés pour faire face à un besoin immédiat. Tandis que si quatre-vingt-dix reçoivent un dollar chacun, si neuf reçoivent 40 dollars, et si le centième homme reçoit le solde de 550 dollars, il est probable que ce dernier investisse au moins une partie des 550 dollars dans un projet. Nous reconnaissons cependant aujourd’hui qu’un tel déséquilibre est excessif. Si le revenu de la grande majorité n’autorise qu’un niveau de vie médiocre, le marché des biens de consommation sera nécessairement limité car la consommation des riches a des limites. C’est la majorité des gens qui rend possible l’existence d’un grand marché. C’est par l’éducation continue de consommateurs de plus en plus nombreux visant à les rendre plus exigeants sur la qualité des produits que le marché grandit et se maintient. La tendance initiée par quelques employeurs visionnaires consistant à augmenter les salaires pour stimuler la consommation est saluée et recommandée par bon nombre d’économistes.

35 Malheureusement, le cas du paysan est plus délicat. Du point de vue de l’intérêt général, le maintien de petites exploitations indépendantes comporte de multiples avantages. Mais par ailleurs, résister à la constitution d’unité de productions agricoles plus importantes, conformément à une tendance déjà largement à l’œuvre dans le monde de l’industrie, va sans doute s’avérer impossible. En attendant, l’agriculteur vend ses produits à bas coûts et achète au prix fort ce dont il a besoin et s’il doit embaucher, il doit s’aligner sur les salaires de l’industrie.

36 Les efforts à fournir en vue d’une distribution plus juste des avantages permis par le progrès ne doivent pas se limiter à l’obtention de meilleurs salaires. La société fait de plus en plus d’efforts à l’intention de ses membres par le biais de ses services publics. L’exemple le plus éclatant est bien sûr notre système d’instruction publique. La plupart des municipalités mettent à disposition livres, bâtiments et enseignants. Les bibliothèques publiques, les jardins publics, les terrains de jeu ont largement contribué à décongestionner les villes. Des inventions comme l’automobile et la radio ont participé à la diffusion des bienfaits de la science dans la population. Les dotations généreuses des hôpitaux et des écoles, les subventions dont bénéficient tous les domaines de la recherche améliorent chaque jour la qualité de la vie.

37 La tradition d’autonomie et d’indépendance qui enjoint de ne dépendre que de soi-même a exercé une influence considérable sur l’ensemble de la culture moderne. C’est au nom de cette tradition qu’ont été critiquées les initiatives publiques visant à limiter l’entreprise privée. En dernière analyse, il est plus probable qu’ouvrir plus grandes les portes à toutes sortes d’hommes et à toutes sortes de conditions afin de permettre un accès plus facile à l’éducation et à ce qui rend la vie belle et intéressante rétablira largement une forme d’équilibre entre privé et public.

38 Si l’on porte un jugement sur notre vie économique à la lumière de ce que nous avons appris des Hébreux et des Grecs, en nous appuyant sur les conceptions modernes de la méthode scientifique, sur l’idée que nous nous faisons d’une vie accomplie, nous pouvons dire qu’une société bonne devrait avoir comme but la justice ; elle devrait ne pas perdre de vue les différents biens qui sont désirables ; enfin elle devrait tendre vers l’avènement d’une démocratie égalitaire qui a constitué l’idéal des plus grands esprits de notre histoire comme des peuples qui aujourd’hui sont de plus en plus nombreux à nourrir cette aspiration.

§ 5. Une erreur de perspective

39 Nous avons examiné quelques qualités et quelques défauts de l’état actuel de la justice, de la liberté et de l’égalité. Nous aboutissons à la conclusion que ce qui importe avant tout est d’adopter la perspective qui convient. Si l’économie domine la vie — et si l’ordre économique s’appuie principalement sur le profit comme motif au lieu de faire droit à d’autres motifs comme l’excellence professionnelle, la maîtrise d’un métier, le souci d’une juste rémunération —, nous courons le danger de voir cette partie de notre vie qui devrait être subordonnée à toutes les autres valeurs et à tous les autres intérêts devenir la finalité ultime de nos existences. Nos vies ne peuvent se réduire à des bilans comptables. Lorsque la richesse est notre objectif principal, pour ne pas dire le seul, tout ce qui fait le sel de la vie — l’amour, la justice, la connaissance, la beauté — risque de passer au second plan. S’agissant de l’exercice illimité du pouvoir en vue de l’acquisition des richesses, et de l’idée que cette quête ne connaît aucune limite à part celle que l’individu se donne à lui-même, M. Tawney a dit :

40

Sous l’impulsion de telles idées, les hommes ne deviennent ni spirituels, ni sages, ni artistes, car la religion, la sagesse et l’art impliquent que l’on reconnaisse des limites. Ils deviennent simplement puissants et riches [9][9]The Acquisitive Society, p. 31..

41 Cela ne veut pas dire que tous les hommes qui se lancent dans les affaires ou l’industrie sont totalement obnubilés par la poursuite de la richesse. Chacun connaît des exemples éclatants prouvant qu’il faut se garder de toute généralisation. La vérité est que faire du profit et de la richesse le but ultime de l’existence revient à se méprendre gravement sur ce que doit être le sens d’une vie.

Notes

  • [1]
    T. N. Carver, The Present Economic Revolution in the United States, Boston, 1926.
  • [2]
    Frankenstein, Incorporated.
  • [3]
    Il s’agit d’une décision de la Cour suprême de 1876 qui reconnaît aux États le droit de réguler l’activité des entreprises qui affecte le bien commun. (N.d.T.)
  • [4]
    À propos de la réforme du monde des affaires, voir Ripley, Main Street and Wall Street, 1927 ; Donham, Business Adrift, 1931 ; Taeusch, Policy and Ethics in Business, 1931 ; Wormser, Frankenstein, Incorporated, 1931.
  • [5]
    Il s’agit d’une loi anti-trusts de 1890 dont l’objectif était de favoriser la concurrence en limitant les alliances menant à des situations de monopole. (N.d.T.)
  • [6]
    Un exemple de ce phénomène, certes limité mais tout à fait typique, a retenu mon attention. Une activité de distribution du charbon requiert aujourd’hui deux camions avec leur chauffeur alors qu’autrefois quarante hommes et cent vingt chevaux étaient nécessaires.
  • [7]
    A New Economic Order, Kirby Page (éd.), p. 168.
  • [8]
    Tufts souligne que seule une réglementation fédérale, s’appliquant à l’ensemble des États-Unis, peut apporter une solution au problème du travail des enfants. LeFair Labor Standards Act de 1938 ira dans ce sens. (N.d.T.)
  • [9]
    The Acquisitive Society, p. 31.

Bibliographie

  • Beard (éd.), Whither Mankind, 1928 ; Donham, Business Adrift, 1931 ; Hamilton, « Freedom and Economic Necessity », in Kallen (éd.), Freedom in the Modern World, 1928 ; Page (éd.), A New Economic Order, 1930 ; Slichter, Modern Economic Society, quatrième partie, 1931 ; Tawney, Equality, 1931 ; Tufts, The Ethics of Cooperation, 1918.
John Dewey
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James Hayden Tufts
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/01/2023
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